A la demande de certains lecteurs, cet article est une traduction libre de ma part de l’article en anglais que j’ai publié le 10 décembre 2019 sur LinkedIn :”Digital Transformation of Legal Departments– Tips and Lessons from the Field”
J‘ai beaucoup de chance d’être invité à des réunions pour échanger entre pairs sur ce qui se passe dans l’industrie du droit et les bonnes pratiques.
Plus récemment, j’ai rejoint le Mont-Blanc Circle qui est un réseau de membres de directeurs juridiques (« DJ ») basés en Europe.
J’ai assisté à ma première réunion à Luxembourg où nous avons été aimablement accueillis par Dominique Golsong, le DJ EMEA de Goodyear. Beaucoup de personnes très intelligentes étaient présentes et nous étions tous intéressés par la transformation digitale.
Par exemple, l’une des principales conclusions de cette réunion était que seule la moitié des directions juridiques interrogées avaient déployé la signature électronique.
Cela m’a fait réfléchir : quels sont les tuyaux que je pourrais donner à un pair qui se lance dans un chantier digital?
Il m’est apparu qu’il serait utile de partager largement certains des avantages et des pièges rencontrés dans mon rôle de DJ en ce qui concerne la transformation digitale d’une direction juridique. Je partagerai ces expériences à travers plusieurs articles.
Ce premier article portera sur “des vérités que nous connaissons tous, mais vérifions“.
Le deuxième article portera sur les “outils qui peuvent vous aider dès maintenant”, tels que les appels d’offres à destination des cabinets d’avocats et les solutions de signature électronique.
Le troisième article portera sur quelques “Idées pour l’avenir”.
Vos commentaires sont les bienvenus.
Des vérités que nous connaissons tous, mais vérifions quand même.
Les réflexions ci-dessous sont peut-être évidentes pour beaucoup de DJ, mais elles méritent d’être rappelées ou s’avéreront utiles à d’autres :
Chaque entreprise, quel que soit son secteur d’activité, se lance dans un plan de transformation digitale en tant qu’initiative stratégique. Par conséquent, les directeurs juridiques ne peuvent pas se permettre de rester à la traîne ou d’être de simples suiveurs. La direction générale attend d’eux qu’ils contribuent au déploiement et développement du commerce électronique, mais aussi qu’ils montrent l’exemple par une utilisation efficace des outils numériques. En aucun cas, un DJ ne voudrait générer la perception négative d’une direction conservatrice et retranchée, réticente au bond numérique.
L’intérêt des directions juridiques pour des projets digitaux est incontestable, mais le temps et les ressources manquent souvent pour évaluer les solutions disponibles sur le marché, sauf dans les grandes directions juridiques qui sont plus souvent dotées d’une personne entièrement dédiée aux opérations juridiques (responsable “legalops”). Cela explique le succès croissant de la communauté des opérations juridiques de l’Association of Corporate Counsel (« ACC legal operations ») ainsi que du Corporate Legal Operations Consortium (“CLOC”)
Il est important pour les directions juridiques des entreprises de faire le bon choix, compte tenu des conséquences budgétaires et des besoins de productivité (“faire plus avec moins“). Les DJ sont confrontés à une poignée d’éditeurs de logiciels traditionnels dédiés aux directions juridiques des entreprises et à une myriade de nouveaux acteurs disruptifs que sont les legaltechs ou regtechs* (* pour faire simple, les regtechs sont une contraction de start-ups prestataires de services s’appuyant sur des plateformes de “technologie réglementaire” qui ont commencé au sein de l’écosystème fintech pour tirer parti des solutions technologiques disruptives afin de faire face à la complexité croissante des enjeux de conformité tels que les exigences de lutte contre le blanchiment d’argent auxquelles le secteur des services financiers a été confronté initialement et qui sont maintenant plus largement applicables dans d’autres secteurs ; pour approfondir, lire par exemple l’analyse de Deloitte : “Regtech Universe 2020“).
Les éditeurs de logiciels historiques disposent d’une base de clientèle solide et peuvent être une source de frustration pour les DJ car leurs plateformes sont généralement propriétaires et ne peuvent souvent pas s’interfacer avec les modules de leurs concurrents afin de garantir la continuité de leur chiffre d’affaires grâce à la fourniture de la suite complète de modules et de mises à jour logicielles (ce que d’aucuns appellent une « rente de situation »).
En revanche, les legaltechs sont affranchies des problèmes d’héritage (« legacy ») de systèmes informatiques et peuvent offrir des outils très conviviaux pour les utilisateurs. Elles sont également désireuses de proposer des conditions de licence et de tarification plus agressives afin de s’assurer une part de marché importante et des références clients afin d’accélérer leur croissance et de sécuriser des levées de fonds supplémentaires (fonds propres et/ou dette). Il convient toutefois d’évaluer avec soin leurs capacités de réalisation de projets et leur viabilité financière.
Le choix de toute solution digitale par les DJ doit tenir compte de plusieurs facteurs :
– La tarification : non seulement les frais de licence cumulés sur plusieurs années, mais aussi les coûts de migration et/ou de formation et de déploiement,
– Des capacités d’interface technique avec d’autres solutions d’entreprise comme les plateformes ERP ou CRM de l’entreprise (alimentation des données des clients ou des fournisseurs dans l’outil de gestion des contrats et émission ou traitement des factures dans l’ERP) ainsi que d’autres outils de la direction juridique, de sorte qu’il ne soit plus nécessaire d’alimenter deux fois les données concernant des tiers lorsque les outils n’ont malheureusement pas d’interface,
– L‘allocation effective de ressources par le prestataire de services sur plusieurs mois pour tenir les promesses de son équipe marketing afin de garantir le résultat attendu,
– Son corollaire, à savoir la disponibilité d’une ou plusieurs ressources de la direction juridique, ayant les compétences requises en matière de gestion de projet, pour assurer l’interface avec le prestataire de services,
– l’importance du soutien initial et continu de l’équipe corporate IS/IT, et
– La résistance culturelle au changement des habitudes de travail de plus d’un membre des équipes juridiques, d’où la nécessité d’embarquer plusieurs membres de l’équipe au stade de la démonstration d’outils pour socialiser les avantages du projet digital avant son adoption et son déploiement.
Dans le deuxième article “Des outils qui peuvent vous aider maintenant” qui sera bientôt publié, je me plongerai dans des exemples pratiques tels qu’un appel d’offres destiné aux cabinet d’avocats et des solutions de signature électronique.