Loi Sapin 2 : un catalogue de mesures disparates mais progressistes -Partie 1

money-shark-1673085__340          MIS A JOUR LE 18 JUIN 2017

Le contexte de la loi Sapin 2

Plus de deux décennies se sont écoulées depuis la première loi dite Sapin relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques[1].

La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, rebaptisée Loi Sapin 2, a été adoptée définitivement le 8 novembre 2016 par le parlement français.  La promulgation de la loi fut retardée au 10 décembre 2016 du fait de la saisine du Conseil Constitutionnel par le Président du Sénat [2]. Les dispositions principales sur le volet anti-corruption entreront en vigueur le 1er juin 2017.

Cette loi vient renforcer les standards de transparence dans les secteurs public et privé et donc l’éthique à la fois des agents publics et des acteurs privés.

Si la France a créé depuis l’an 2000, l’infraction de corruption d’agent public étranger pour transposer la convention de l’OCDE de 1997, aucune entreprise n’a fait l’objet d’une condamnation définitive en France sur une période de 15 ans[3]

Paradoxalement, plusieurs grandes entreprises françaises (Alcatel-Lucent, Alstom, Technip et Total) ont accepté dans le cadre de transactions conclues avec le US Department of Justice (“deferred prosecution agreements”) de payer des amendes conséquentes au profit du Trésor fédéral américain[4].  Il est un fait notable que trois sur quatre de ces sociétés ont entre-temps fait l’objet d’une acquisition ou fusion avec  d’autres groupes. Les affaires de corruption ont un effet disruptif indubitable sur la gestion des entreprises et leur image.

Face aux critiques fondées des organisations internationales publiques et privées (ex: OCDE, Conseil de l’Europe et TI) sur le maigre bilan répressif donc le peu de crédibilité de la France à l’étranger, les autorités publiques devaient réagir et renforcer l’effectivité du dispositif anti-corruption à la lumière de l’approche transactionnelle du droit anglo-saxon.

Un catalogue de mesures majeures

La loi Sapin 2 a été décrite par les parlementaires comme un “patchwork disparate de mesures” ou encore un “texte fourre-tout”. Elle contient en effet des réformes majeures, notamment:

  • Sur le plan de la gouvernance d’entreprises, les actionnaires ont enfin un droit d’approbation sur les conditions de rémunération des dirigeants des entreprises cotées, l’auto-régulation ayant montré ses limites (‘”Say on Pay” : voir l’article du blog spécifique  au “say on pay” en droit français et en droit communautaire -Partie 7 😉
  • Le “lobbying” donne lieu à la tenue d’un répertoire numérique commun des représentants d’intérêts pour une plus grande transparence sur l’influence dans l’élaboration des décisions publiques, à l’instar du registre de transparence existant pour certaines institutions de l’Union Européenne[5] ;
  • L’instauration d’un dispositif d’alerte obligatoire pour toute personne morale publique ou privée ayant au moins 50 salariés et d’un régime général de protection des lanceurs d’alerte (voir l’article du blog spécifique aux lanceurs d’alertes (« whistleblowers ») – Partie 2 );
  • La création d’une agence nationale anti-corruption ayant un statut hybride, dotée de pouvoirs de recommandations, d’enquête, de transmission aux procureurs, de supervision et de sanctions administratives (voir l’article du blog spécifique aux pouvoirs de l’Agence française anti-corruption -Partie 5 );
  • Un cadre réglementaire facilitant le financement par des prêts ou prises de participation au profit des PME et des projets d’infrastructure par les marchés de capitaux et des fonds.

 Quelles entreprises sont concernées par l’obligation de mettre en place un programme de prévention de la corruption ?

L’obligation de mise en place d’un programme anti-corruption s’impose aux secteurs privé et public à partir du 1er juin 2017 :

  • Les grandes entreprises et certaines ETI du secteur privé

L’obligation concerne toute société (ou établissement public à caractère industriel et commercial) remplissant les deux critères cumulatifs suivants :

  • Effectif d’au moins 500 salariés, ET
  • Chiffre d’affaires annuel supérieur à 100 millions d’Euro.

Sont également concernées, toutes les filiales ou sociétés contrôlées de groupes dont le siège social est basé en France et dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros. (voir l’article du blog spécifique aux groupes de sociétés : grandes entreprises et prévention de la corruption- Partie 3)

Cette obligation de prévention incombe aux dirigeants de l’entreprise entrant dans le champ d’application de la loi ou de la maison-mère pour les groupes de sociétés.

Selon le gouvernement, environ 1570 entreprises seraient concernées.

  • Le secteur public

Il s’agit des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et sociétés d’économie mixte, ainsi que des associations reconnues d’utilité publique.

 

À SUIVRE : Les articles suivants du blog passeront en revue d’autres dispositions de la loi Sapin 2 telles que le contenu requis du programme anti-corruption, les implications pour les grandes entreprises, les prérogatives de l’agence nationale anti-corruption, le dispositif d’alerte interne, les nouvelles sanctions applicables, la peine complémentaire de mise en conformité et la convention judiciaire d’intérêt public.

L’auteur exprime des vues strictement personnelles qui n’engagent pas les entreprises ou les organisations dont il est le représentant ou conseil. Il peut être joint par courriel à:  iohanngrc@gmail.com

[1] Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993

[2] Le 15 novembre 2016, le Président du Sénat, ainsi qu’au moins 60 sénateurs et 60 députés, ont saisi le Conseil constitutionnel sur la loi Sapin 2.

[3] OCDE, « France: rapport de suivi écrit de phase 3 et recommandations », décembre 2014; http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/France-Rapport-Suivi-Ecrit-Phase-3-FR.pdf.

[4] V. le rapport d’information déposé à l’Assemblée nationale le 5 octobre 2016 sur »l’extraterritorialité de la législation américaine”:       http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4082.asp#P281_64637

[5] http://ec.europa.eu/transparencyregister/public/homePage.do

 

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